L'école à Montegrande au Chili
- philippe viejo
- 28 nov. 2016
- 5 min de lecture
Le 25 novembre, nous nous rendons à l’école Gabriela Mistral de Montegrande dans la vallée de l’Elqui. Gabriela Mistral est le premier prix Nobel de littérature de l’amérique latine en 1945. C’est une poétesse, diplomate et pédagogue née dans ce petit village de Montegrande et institutrice du même petit village.
Nous arrivons à 8h25 heure où la directrice devait arriver (nous n’étions pas parvenus à la rencontrer la veille) pour lui demander de rester en observation d’une classe pour la journée, elle accepte et nous fait rencontrer dans la foulée la maîtresse de la classe de 4e l’équivalent de notre CM2 qui se prénomme Ambar.
Le niveau Basique est au Chili de la 1er classe (équivalent de la PS) jusqu’à la 8e (équivalent de la quatrième) L’école est seulement obligatoire jusqu’à 12 ans mais interdiction de travailler avant 18 ans sauf autorisation spéciale des parents à 16ans.
Nous arrivons dans la classe où les élèves sont déjà installés. Ambar a une toute petite classe en nombre d’élèves 9, 3 garçons et 6 filles mais une grande classe en termes de place. L’école commence tous les jours à 8h30 et se termine à 15h45 du lundi au jeudi, le vendredi jusqu’à 13h seulement. Les petits chiliens travaillent donc 30 heures par semaine, ils ont deux semaines de vacances au mois de Juillet et 2 mois et demi pendant leurs vacances d’été soit du 15 décembre au 1er mars. Tous les jours, ils doivent porter l’uniforme sauf le vendredi qui est un jour casual.

Ce jour, il y a 3 absents, nous avons donc dans la classe seulement 6 élèves plus Samuel. Un autre élève Nino d’une autre classe vient nous voir, il a une double nationalité Belge et chilienne et prend beaucoup de plaisir à pratiquer son français avec nous.
Nous commençons par expliquer notre voyage en espagnol et à leur demander s’ils connaissent la France et savent où elle est située. Nous la situons sur la carte, Nino nous montre où est la Belgique.
Nous leur apprenons ensuite Comment tu t’appelles ? Je m’appelle …
Les prénoms de la classe sont des prénoms qui peuvent être européanisés, les enfants sont ravis d’entendre leurs prénoms prononcés à la française. Il y a Céleste, Barbara, Sébastian, Christopher, Eva Luna et Pia.
Ils sont très demandeurs, heureux et extrêmement vivants. Après la séance de français, Ambar ne leur donne rien à faire de particulier et décide plutôt de faire de la vie de classe pour qu’ils fassent connaissance avec Samuel et s’amuse tout simplement tous ensemble. Nous en profitons pour discuter et comparer les systèmes d’éducation, elle gagne environ 600 000 $ chilien par mois soit 820 € avec 5 ans d’ancienneté mais la vie est très chère au Chili. Elle a fait cinq années d’études secondaires pour être maîtresse. Elle enseigne toutes les matières sauf l’anglais, l’éducation physique et la musique.

Le gouvernement leur donne en début d’année un gros cahier d’appel qui sert aussi comme une sorte de cahier journal c'est-à-dire la présentation de tous les écrits de ce qui est fait en classe. Elle me dit ne pas avoir assez de temps pour faire ses écrits. Les élèves dans les écoles municipales ont tout gratuitement, chaque année ils ont des fichiers dans toutes les matières mais Ambar ne les utilise absolument pas et préfère utiliser d’autres supports. 70 % des élèves dans cette école et dans beaucoup d’autres endroits au Chili (Ambar vient d’une autre région) vivent des situations familiales très difficiles, abus sexuels, alcool, maltraitances, etc, …

La séance d’anglais commence avec une autre maîtresse et une assistance, une jeune volontaire new yorkaise Megan. La séance consiste en l’apprentissage du vocabulaire de l’espace, avec un dessin d’une route traversant la campagne, un pont, un lac, etc, … L’anglais s’étudie comme en France de manière essentiellement ludique et à l’oral, les élèves ont un cahier d’exercices avec mots croisés, mots cachés, etc, … Samuel s’amuse beaucoup en anglais et je me rends compte qu’il a retenu quelques petites choses. Des flashs cards sont utilisées ainsi que le travail avec le corps. La séance se termine par une évaluation collective sur les différents mots de vocabulaire turn right, turn left, go around the lake, go over the bridge, … Pendant toute la séance d’anglais Sébastian est très perturbant, il tape avec un bâton en bois très fort sur la table, le bruit couvre les voix des maîtresses mais personne ne lui dit quoi que ce soit, je ne peux m’empêcher de lui confisquer le bâton, mais il récupère tout de suite un crayon et continue son bruit incessant, il fait également basculer sa table qui est à la limite de se renverser totalement, aucune réaction des maîtresses.
J’en profite pour pratiquer un peu mon anglais que je travaille assidument depuis environ 2 mois par l’application Babbel et la lecture de livres en anglais avec Megan en discutant un peu avec elle, elle est aussi stupéfaite que moi sur les attitudes des élèves en classe, ils sont agités, se lèvent sans demander la permission, coupent la parole, ne lèvent jamais le doigt, font du bruit en permanence mais ils ont apparemment tous les droits.
Les séances durent normalement 45 minutes. Ambar revient dans la classe, c’est l’heure de la pause de récréation, Samuel part avec ses nouveaux amis il arrive à très bien se faire comprendre, je ne me fais aucun souci dans l’éventualité d’une école à l’étranger avec lui, il apprendra très vite la langue locale.
Quand les élèves reviennent, ils me demandent si nous savons danser la danse locale, la cumbia, devant notre réponse négative, tout le monde se met à la recherche d’un ordinateur dans l’école ayant la musique, ils dégotent des haut-parleurs, les tables sont poussées sur les côtés et tous les enfants se mettent en tête d’apprendre à danser à Samuel qui s’y prête avec grand plaisir, il a vraiment un bon rythme et commence à bien se débrouiller tout de suite.
Ambar a une très bonne relation avec ses élèves, les enfants ont beaucoup de plaisir avec elle, une très grande confiance mutuelle est installée.
Après l’apprentissage d’un jeu, Santiago, la classe est remise en ordre et tous les enfants s’installent pour la lecture d’un texte. Pia commence à lire, la maîtresse demande à Eva Luna de reprendre mais tout les enfants lui demandent plutôt d’interroger Samuel qui ne se dégonfle pas et commence à lire … Ambar est très surprise par sa fluidité de lecture, elle s’excuse d’avoir douté de lui. En fait à part forcément quelques lettres qui ne se prononcent pas de la même façon, la lecture de l’espagnol est très aisée, Samuel n’a rien compris de ce qu’il a lu mais le résultat peut très bien faire illusion.

Les enfants finissent de lire le texte l’un après l’autre à haute voix, Ambar leur pose ensuite quelques questions de compréhension et leur relit le texte. Elle écrit les devoirs au tableau : lire le texte à ses parents et répondre à deux questions. Samuel a promis à Ambar qu’il ferait lui aussi ses devoirs qu’il lirait son texte à son père. Il est déjà 13h et l’heure de se quitter arrive
Nous avons vécu une très bonne expérience de partage, de gaïté.
Nous laissons derrière nous des mots en français avec leur enregistrement.
Le film suivra puisque nous avons eu l’autorisation de filmer.
Cette visite m’a rappelée à quel point j’aimais mon métier et sa pratique ainsi que le contact avec les enfants si attachants.

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